Une ville où la vie tourne autour du ballon rond, par Joris Chappatte

Une ville où la vie tourne autour du ballon rond

« Le football, ce n’est pas une question de vie ou de mort. C’est bien plus que ça. » Cette citation de Bill Shankly, entraîneur légendaire de Liverpool entre 1959 à 1974, paraît bien pâle en cette période épidémique. Toutefois, si cette phrase a raison d’être, c’est bien dans le Merseyside, au nord-ouest de l’Angleterre. A Liverpool et dans toute la région, là où la météo est si capricieuse et l’offre de divertissements bien maigre, supporter un de deux grands clubs de la ville est une évidence. Les Scousers naissent avec le sang rouge ou bleu, et se déplacent le jour de match soit à Anfield, soit à Goodisson Park.

De retour d’un voyage linguistique écourté à Liverpool, certaines images restent en moi. Comme cette ancienne église située à quelques pas d’Anfield désormais transformé en pub « The Church » où les supporters des Reds – une Guinness à la main – refont la rencontre du jour. Ou ce légendaire « You’ll never walk alone » chanté par tout un stade avant chaque rencontre du LFC qui donne à coup sûr les frissons. Ou encore ces dix petites minutes qu’il faut pour rejoindre Anfield – en traversant à pied un des plus beaux parcs de Liverpool – depuis Goodisson Park, l’antre du rival honni

Mais l’histoire est ironique : le destin des deux clubs est intimement lié. Entre 1884 et 1992, Everton évolue à Anfield avant d’opter pour la création de son propre stade à la suite d’un litige locatif. Le Liverpool FC est créé dans la foulée pour occuper un stade appelé à devenir légendaire.

Attente interminable

Le dernier titre de champion d’Angleterre date de la saison 1989/1990 pour Liverpool. Cela fait donc 30 ans que l’un des deux clubs les plus titrés outre-Manche (avec Manchester United) attend avec impatience ce sésame tant convoité. Dans la ville des Beatles, tous les supporters des Reds ont encore en tête cette glissade de Steven Gerrard en 2014, qui avait offert le titre à Manchester City. Cette année enfin, Liverpool a marché sur l’eau. Avec pas moins de 22 points d’avance sur son dauphin, ce même Manchester City, les joueurs de Jürgen Klopp étaient si proches d’offrir une délivrance à tout un peuple.

Alors que la saison s’est arrêtée à cause de la crise sanitaire, les Scousers vivent la situation comme un coup de massue supplémentaire. Même si le journal britannique « The Telegraph » affirme que les autres clubs seraient d’accord de donner le titre à Liverpool quoi qu’il advienne, l’incertitude pèse toujours. A Liverpool comme dans toute l’Angleterre, la vie est désormais à l’arrêt. Les pubs sont fermés. Anfield et Goodisson ne résonnent plus le samedi après-midi. Tout le monde n’attend qu’une seule chose: que le ballon rond reprenne enfin vie.

Joris Chappatte, de retour de Liverpool.